Le soin c’est l’affaire de tous ! – Dans la pandémie, usagers agissant en partenaires, ou mis à l’écart ?

Communication au réseau – 27 avril 2020

Le soin c’est l’affaire de tous ! – Dans la pandémie, usagers agissant en partenaires, ou mis à l’écart ?

« Laissez les affaires là, on les lui fera passer. Les visites sont strictement interdites ! »

« Mais, mais… ». La dame n’a pas pu poursuivre. Elle a laissé là à la réception de la clinique tout ce qu’elle avait soigneusement préparé et porté. Son mari a été hospitalisé en urgence pour une occlusion intestinale et lorsque l’équipe du SAMU est venue le prendre à la maison ce week-end dernier, elle n’a pas eu le temps de préparer quoi que ce soit. Aujourd’hui en début de semaine elle n’a pas de nouvelles sinon qu’il est revenu du bloc opératoire, qu’il allait mieux, puis qu’il doit sans doute y retourner. Elle sait que son mari, à plus de soixante-dix ans, souvent lassé par son diabète et son cortège de complications, va « se laisser aller » et même « se laisser mourir » s’il n’a pas rapidement un contact, même distant, avec elle, mais un contact réel. Elle n’a que quelques années de moins que lui mais c’est elle qui entretient au quotidien ce qui donne une raison de vivre, c’est elle qui prend soin.

Cette situation elle se répète peu ou prou, dans de trop nombreux établissements hospitaliers, depuis le début de la crise actuelle, et ceci en dehors même des filières de soins de la Covid 19 dont on comprend l’extrême tension et les indispensables contraintes de sécurité. Dans ces établissements cette situation est souvent indépendante des soignants directs dont certains s’offusquent de la rigidité des règles « venues d’en haut » qu’ils sont sommés de respecter. Et il n’est pas question ici d’abonder le lot des accusations et vociférations trop entretenues par certains médias complaisants quand ils ne sont pas incitateurs ! Mais comment ne pas s’interroger ?

D’abord en constatant que dans certains établissements, malgré les contraintes et la pression extrême auxquelles sont soumises les équipes, les soins sont organisés en concertation pour continuer à respecter un accompagnement global de la personne. Ici en organisant, y compris dans une unité Covid 19, la visite d’un proche aidant quand cela est indispensable au patient (en particulier dans une situation particulière comme la fin de vie) et reste possible au regard des équipes soignantes ; les responsables de service de réanimation ont depuis longtemps avant la crise actuelle accompagné cette réflexion et mis en œuvre les mesures qui en découlent ; nombreux sont ceux qui ont maintenu cet effort en l’adaptant dans la crise actuelle. Là en continuant à autoriser la présence d’un parent auprès d’un enfant hospitalisé et en l’organisant au mieux. Au contraire force est de constater que d’autres établissements imposent sans discernement des mesures de restriction d’accompagnement du soin peut-être parce qu’elles leur facilitent l’organisation quotidienne des soins techniques, en espérant que ce n’est pas pour préserver leur rentabilité économique ; et ceci quitte à inciter les soignants à revenir à des clivages dans lesquelles le vieux réflexe de « je suis un professionnel de santé, je sais ce que j’ai à faire, et en plus je fais ce que l’on me dit » est pour un soignant épuisé la voie la plus simple et la plus sécurisante.

Il nous faut ensuite nous interroger ensemble sur les recommandations institutionnelles qui redescendent en cascade d’un système administratif encore centralisateur, et qui ont pu changer jusqu’à en être contradictoires, en renvoyant à la responsabilité des strates régionales, locales et individuelles. Même si cela diminue l’efficacité ça permet aussi de ne pas avoir à porter directement le poids des dysfonctionnements induits et multiplier les « boucs émissaires » pour reprendre le titre d’un quotidien national.

Il faut enfin s’interroger sur la meilleure solution à trouver ensemble pour éviter les dérives à deux niveaux distincts. D’abord celui du terrain où la confrontation directe au danger infectieux ne doit pas faire sous-estimer l’importance du soin global y compris dans la composante bénéfice/risque que nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir prendre en compte. Ensuite celui des institutions de santé, régionales et nationales, où il serait inexplicable et inexcusable que soit abandonnée la concertation dans l’élaboration et la diffusion de mesures claires et précises ; concertation qui est aussi le seul moyen efficace de s’assurer que l’application de ces mesures est également partagée par tous les établissements et ne dépend pas sur le terrain de la seule implication personnelle de certains.

Ne pas reconnaître comme partie intégrante du soin le lien entre un aidant et le patient à qui il est indispensable, serait méconnaître ce qu’est le soin. Ce serait n’y voir que la partie technique et scientifique de la pratique des professionnels de santé, alors qu’on en sait les limites. Ce serait se résigner à voir une crise grave déshumaniser le soin.

Depuis plusieurs années un mouvement conforte la modification historique récente des rapports entre ceux qui sont soignés et ceux qui les soignent. À titre individuel comme à titre collectif, les patients, leurs aidants et d’une manière plus générale les citoyens usagers du système de santé participent activement à ce mouvement. Ils montrent que chacun doit mieux s’impliquer dans son parcours de soins et de vie pour être acteur de sa santé. Ils montrent aussi que l’institutionnalisation de ce mouvement doit permettre une meilleure démocratie en santé. De plus en plus nombreux sont les professionnels de santé qui les rejoignent dans ce mouvement.

Dans cette période de crise sanitaire sans précédent, que nous soyons professionnels de santé impliqués sur le terrain, organisateurs institutionnels des soins, patients ou aidants, représentants des usagers (RU) ou simples citoyens usagers du système de santé, ne laissons pas les usagers à l’écart. Faisons-les participer à la réflexion sur les orientations à prendre, à la définition des règles à appliquer, à la diffusion des mesures à respecter. Le partenariat en santé c’est ça ! Nous y gagnerons tous. Et les enjeux du déconfinement à venir pourraient nous aider à le prouver ensemble.

Jean-Michel Bruel – Président de France Assos Santé Occitanie

 


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